Le repreneuriat, vecteur d’engagement et de pérennité

Contenu proposé par

Par Victoria Grenier, B.A., candidate au D. Psy., Catherine Privé, MAP, CRHA, Distinction Fellow, Micheline Garceau

Transmettre son entreprise à son personnel favorise la continuité et la pérennité du rêve fondateur. Le repreneuriat permet de préserver la culture, de mobiliser l’intelligence collective et de miser sur les humains qui ont contribué à bâtir l’entreprise.

La richesse humaine au cœur de l’entreprise

Sans personnel, il n’y a pas d’entreprise. Aussi simple que cela puisse paraître, ce constat est trop souvent oublié dans les discussions stratégiques. La dimension humaine est pourtant la base de toute entreprise : ce sont les personnes qui la font vivre, qui la transforment et qui, par leur engagement, assurent son avenir.

Dans cette perspective, miser sur les talents individuels et sur l’intelligence collective est une véritable recette de pérennité. La personne dirigeante qui cède son entreprise doit avoir en tête, plusieurs années en avance, de développer les talents et de faire en sorte que son personnel soit impliqué et responsabilisé le plus possible, diminuant ainsi la vulnérabilité de son entreprise lors de son éventuelle sortie.

Transmettre sans se trahir

Lorsqu’une personne dirigeante envisage de céder son entreprise, une question fondamentale surgit : comment transmettre ce qui a été construit sans trahir l’ADN de l’organisation?

La relève, surtout lorsqu’elle prend la forme du repreneuriat, repose sur cette volonté de préserver tout en poursuivant l’évolution ou le développement.

Le défi est double. D’une part, il s’agit de conserver ce qui fait la force de l’entreprise : sa mission, ses valeurs, son identité. D’autre part, il faut accepter que la nouvelle génération de repreneurs apporte ses propres idées, sa vision et ses façons de faire. La pérennité ne se résume donc pas à une simple continuité; elle implique une évolution respectueuse de l’héritage.

Les trois dimensions d’une transmission réussie

Une transmission réussie ne peut se limiter aux aspects financiers ou juridiques. Elle doit être envisagée dans toute sa complexité et sa profondeur. Trois dimensions complémentaires permettent d’aborder ce processus de manière équilibrée, soit les dimensions humaine, stratégique et émotionnelle.

La dimension humaine est sans doute la plus fondamentale. Elle concerne la transmission des valeurs, de la culture et des relations clés. Une organisation vit et respire à travers les comportements quotidiens de son personnel. Il est donc essentiel de se questionner sur les comportements qui incarnent véritablement la culture de l’entreprise ainsi que sur les personnes, en dehors de la direction, qui adoptent principalement ces comportements. Déterminer ces personnes, leur donner une place centrale dans le processus de transmission et s’assurer qu’elles puissent continuer à incarner et à diffuser cette culture est un gage de continuité.

La dimension stratégique consiste à garder le cap tout en évoluant. La question n’est pas de figer le modèle d’affaires, mais plutôt de clarifier ce qui constitue le noyau non négociable de l’organisation. Quelles orientations doivent absolument être maintenues pour préserver l’identité de l’entreprise? Et, à l’inverse, quels aspects peuvent ou doivent évoluer pour répondre aux réalités du marché et aux attentes changeantes de la clientèle? La capacité de distinguer ces deux niveaux assure un équilibre entre stabilité et adaptation.

Enfin, la dimension émotionnelle. Céder son entreprise ne se fait pas sans crainte ni appréhension. Derrière les chiffres et les contrats, il y a des émotions. Les personnes dirigeantes doivent se demander ce qu’elles redoutent de perdre dans cette transition et, en contrepartie, ce qu’elles espèrent véritablement léguer. Reconnaître ces émotions, les exprimer et les intégrer au processus favorise une transition plus sereine et plus authentique.

Le rôle de la personne cédante

Dans une étape de transmission, le rôle de la personne cédante évolue. Il ne s’agit plus de diriger au quotidien, mais de trouver une posture juste : ni contrôlante, ni absente. Ce repositionnement permet de soutenir les repreneurs sans les freiner, de transmettre sans imposer. 

La personne cédante devient alors gardien·ne du sens, en veillant à ce que l’entreprise conserve son ADN et sa raison d’être. Cette personne agit comme mentore, en guidant et en soutenant la nouvelle génération, sans chercher à tout orienter. Elle veille au transfert des expériences, en partageant les apprentissages accumulés, et à la protection du récit, en transmettant l’histoire de l’organisation de façon à inspirer celles et ceux qui poursuivront l’aventure. 

Ce rôle demande de l’humilité et de la confiance. C’est en acceptant de se retirer progressivement, tout en offrant un accompagnement bienveillant, que la personne cédante permet à son entreprise de continuer à grandir. 

Une invitation à la réflexion

Si vous songez au repreneuriat, prenez un moment pour vous situer intérieurement sur un continuum allant de 0 % à 100 %. La valeur de 0 % représente une situation où la pérennité de l’entreprise est très menacée et où rien n’est encore en place pour assurer la relève. La valeur de 100 % traduit une confiance totale : tout est aligné, et l’entreprise est prête à survivre et à prospérer sans vous.

Demandez-vous honnêtement : où vous placeriez-vous aujourd’hui sur cette ligne? Cet exercice introspectif amène à constater que la relève ne se résume pas à un plan de transition bien rédigé. Elle repose aussi sur une posture, sur l’acceptation d’émotions parfois contradictoires et sur la capacité à transmettre l’essence même de l’entreprise.

Conclusion

Le repreneuriat interne est un processus collectif qui engage la culture, les valeurs et l’identité de l’entreprise. En mettant la richesse humaine en position centrale, en clarifiant les choix stratégiques et en tenant compte des dimensions émotionnelles, il est possible d’assurer une transmission réussie. La pérennité d’une organisation ne dépend donc pas seulement de ses finances ou de son modèle d’affaires. Elle repose sur la capacité à mobiliser l’intelligence collective, à reconnaître la valeur des personnes et à transmettre un héritage vivant. C’est dans cet équilibre subtil entre continuité et évolution que réside la véritable réussite du repreneuriat.