La démission silencieuse : comment l’aborder?

Florence Gauthier
Avocate du groupe Travail, emploi et droits de la personne chez Fasken

En collaboration avec Isabelle Bertrand, CRHA
Stagiaire en droit chez Fasken

 

La démission silencieuse est une nouvelle réalité face à laquelle les employeurs se doivent d’être réactifs. En effet, le désengagement professionnel de la main-d’œuvre peut rapidement devenir problématique pour une entreprise souhaitant avoir un avantage concurrentiel en comptant notamment sur le fait que son personnel soit prêt à aller au-delà de l’appel du devoir.

Les enjeux liés à la démission silencieuse

Le « quiet quitting » ou la « démission silencieuse » est un nouveau phénomène lié au désengagement professionnel qui gagne en popularité sur les réseaux sociaux et au sein des jeunes professionnels[1].

Attention, le terme « démission silencieuse » peut être trompeur. Il ne s’agit pas nécessairement d’une démission en soi, mais plutôt de l’idée de s’en tenir au minimum dans le cadre du travail et de ne pas aller au-delà de ses tâches principales. Cela peut notamment se traduire par le refus d’effectuer certaines tâches, cesser de prendre des initiatives ou l’indisponibilité pendant ou en dehors des heures « normales » de travail. La ligne est donc mince entre un rendement insatisfaisant et une démission silencieuse.

De plus, de tels comportements de la part d’employés désengagés peuvent représenter un réel casse-tête pour les employeurs, car ceux-ci voient ce fardeau retomber sur les autres employés qui doivent pallier cette diminution des ressources.

Comment reconnaître et prévenir cette réalité

Si pour certains la démission silencieuse est un bouclier contre l’épuisement professionnel, pour d’autres, il s’agit d’une manifestation de leur démotivation et de leur insatisfaction professionnelle. C’est pourquoi il n’est pas simple pour un gestionnaire de cibler et de prévenir une telle pratique. Cela étant, une organisation peut s’outiller et prendre différentes initiatives afin de repérer et d’aborder rapidement les situations de démission silencieuse.

Le suivi du rendement

Il est difficile, voire impossible, d’inclure toutes les tâches et les responsabilités d’un emploi dans la description de poste ou dans le contrat d’emploi. C’est pourquoi il est essentiel pour le gestionnaire, en collaboration avec son employé, de bien établir ses objectifs et les attentes à son égard. La communication, la relation avec l’employé et le suivi de son rendement sont des éléments clés.

Un compte-rendu récurrent du rendement de l’employé, de sa collaboration et de sa valeur ajoutée pour son équipe contribue non seulement à son sentiment d’appartenance, mais également à son rendement.

Dans le cas d’enjeux de rendement cernés par l’employeur, il sera important de mettre en place rapidement un plan d’amélioration du rendement et de documenter l’ensemble du processus. L’employé devrait notamment être informé de ses lacunes et des mesures devraient être mises en place par l’employeur afin de l’accompagner dans ses démarches d’amélioration. Dans le cas où, suivant un délai raisonnable, aucune amélioration ne serait constatée, l’employeur pourra évaluer la nécessité d’imposer des mesures, pouvant mener jusqu’à une fin d’emploi.

Le suivi de l’absentéisme

Le désengagement d’un employé peut également mener à des enjeux d’absentéisme récurrent ou même chronique. Face à une telle problématique, l’employeur doit également être réactif et prendre les mesures nécessaires afin d’encadrer et de faire cesser une telle conduite.

En raison notamment du télétravail, il est aujourd’hui plus difficile pour l’employeur de suivre le rendement et le niveau d’engagement en temps réel de ses employés. Ainsi, l’employeur doit baliser clairement ses attentes; une politique rigoureuse sur le télétravail demeure un des meilleurs outils préventifs de l’employeur à cet égard.

Dans ce cas, une procédure claire de gestion des absences devrait être en place au sein de l’entreprise. L’employeur devrait assurer des suivis réguliers à cet égard, gérer ces dossiers avec célérité et documenter l’ensemble du processus. Dans le cas où aucune amélioration ne serait constatée, l’employeur pourra évaluer la nécessité d’imposer des mesures, pouvant mener jusqu’à une fin d’emploi.

Conclusion

La démission silencieuse est, dans la plupart des cas, un des symptômes qui se manifeste lorsque l’employé n’a plus le cœur à l’ouvrage. Un employeur qui constate une diminution notable de la productivité et de l’engagement de son employé devrait agir avec diligence et prendre le temps de s’asseoir avec son employé. Si la démission formelle est la voie envisagée par ce dernier, il est important de demander une démission écrite afin de garder une preuve tangible et légale de la fin d’emploi.

Ultimement, l’employeur se doit d’être proactif, disponible et à l’écoute afin de prévenir la démission silencieuse et d’aborder les enjeux liés à celle-ci, et ce, en temps opportun. Les bonnes pratiques de gestion, comme être à l’écoute de ses employés et de leurs besoins, la flexibilité et la reconnaissance de l’engagement profitent à l’ensemble des employés – les désengagés et les autres!

 

 

[1] MINISTÈRE DE L’ÉCONOMIE, DE L’INNOVATION ET DE L’ÉNERGIE DU QUÉBEC, « La démission silencieuse », dans Entreprise, entrepreneuriat et croissance des PME, [En ligne], 2 novembre 2022. [https://www.economie.gouv.qc.ca/objectifs/informer/vecteurs/vecteurs-economie-et-innovation-detail/la-demission-silencieuse]